Bien que La Meute s’est dite brimée dans sa liberté d’expression, lors de la manifestation à Québec, elle a joui en réalité des plus belles tribunes durant toute la fin de semaine.

Dès vendredi, leur porte-parole Sylvain « Maikan » Brouillette se trouva à l’émission radiophonique 100% Normandeau, pour vanter les valeurs de La Meute. Dimanche matin, il fut l’invité de la festive émission matinale Salut Bonjour, à TVA, flanqué du gourou de La Meute, Patrick Beaudry, qui charma l’assistance:

« On n’a absolument rien démontré qui était raciste, pis y’est pas question que ça change ».

Une courte victoire des anti-racistes

Les leaders de La Meute organisaient l’une de leurs plus ambitieuses manifs de leur histoire, pour tempêter contre les politiques d’immigration au Canada. Ils ont pu attirer environ 300 sympathisants.es.

Leur position était et est intenable: ils soutiennent militer contre l’islam radical, mais sont ici en train de paniquer vis-à-vis l’arrivée d’Haïtiens.es majoritairement chrétiens et francophones.

La Meute est une secte d’extrême-droite qui utilise un paravent d’apparence modérée, alors que leurs activités réelles consistent à pourrir la vie à tous ceux et celles qui ne pensent pas comme eux, à commencer par ces néo-québécois qui leur paraissent suspects.

Maikan et Roch les racistes

C’est dans cette optique que des centaines de contre-manifestants.es se sont rassemblés à Québec. Le principal rassemblement pro-immigration démarrait de la Place d’Youville à 13h, mais un contingent plus hardi alla directement à la rencontre de La Meute, qui avait essayé depuis des semaines de garder secret leur itinéraire.

Comme l’a argué le militant Jaggi Singh: il ne faut pas craindre le racisme, mais le confronter. Même si ce contingent anti-fasciste était moins nombreux que les gens de La Meute, les « loups » sont allés se terrer dans un parking souterrain, où ils sont demeurés penauds tout le reste de l’après-midi.

Notons que, dans un élan de solidarité, tous les contre-manifestants.es sont allés rejoindre les antifas. Jusque-là, les messages d’accueil et d’opposition à l’extrême-droite avaient le dessus sur des loups qui avaient l’air fous.

Le vent médiatique a tourné

Au lieu de simplement annuler la manif pour que tout le monde puisse retourner chez eux, les loups ont décidé de tenir bon durant d’interminables heures. À la longue, cela a commencé à ressembler à un état de siège. Nombre de journalistes et citoyens.es se sont mis à s’impatienter.

Entre-temps, une poignée d’activistes anti-flics ont commencé à en découdre avec les forces de l’ordre, ce qui poussa les chefs des principaux partis politiques à dénoncer ces actes de « violence ». Deux racistes se firent d’ailleurs tabasser.

Puis comme les analystes invités des chaînes RDI et LCN s’avéraient être d’ex-policiers, ils ont évidemment pris le bord des anti-black blocs, allant jusqu’à souligner l’impressionnante discipline et coopération des gars de La Meute…

Mais pourquoi omettre la vaste majorité des manifestants.es pacifiques pro-immigration?

 

Le vrai visage de La Meute

Ceux et celles qui suivent La Meute depuis quelque temps savent que leur défense de la liberté d’expression est à géométrie variable.

Tout d’abord, les loups censurent et intimident leurs opposants.es. Rien que pour ma part, la quasi-totalité de mes textes Facebook portant sur La Meute ont été prestement retirés suite à de mystérieuses vagues de plaintes. Une vingtaine en deux mois.

C’est sans compter les tentatives d’invasions de conversations (trolls), d’insultes et de menaces voilées. Peu avant la manif, un fan xénophobe de Stu Pitt – propagandiste en chef de La Meute – écrivit même qu’on projetait de m’assassiner dimanche:

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(N.B.: La menace de mort de « Gros-Bs » a été supprimée, mais les réponses sont claires)

Alors quand je vois les médias s’attendrir sur le sort des loups qui se victimisent…

Qui plus est, les chefs de La Meute imposent eux-mêmes le silence à leurs « troupes » (Stéphane Roch, « chef des opérations », employa le terme « troupes »). Quand des journalistes tentèrent de questionner les manifestants.es anti-immigration, ils rétorquèrent qu’il fallait s’adresser aux porte-parole attitrés.

Idem sur la page Facebook de La Meute, où la section commentaire est interdite aux membres par les chefs. Pourquoi cette omertà? Il ne faudrait pas que leur racisme puisse être étalé au grand jour…

Enfin, comble d’hypocrisie, j’aimerais insister sur le fait que des sympathisants.es de la marche raciste ont essayé de faire saboter le service de transport d’autobus de Montréal vers Québec, organisé par Bienvenue aux réfugiés.es.

Sur la page Facebook d’André Pitre (alias Stu Pitt), des gens ont réservé des places fictives – parfois jusqu’à huit places pour une seule personne – dans le but d’empêcher les manifestants.es de se rendre à Québec:

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Stu Pitt, qui est un leader de La Meute, les a encouragé, proposant même d’utiliser carrément le transport. D’autres planifiaient de bloquer l’accès aux autobus:

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Les organisateurs.trices de Bienvenue aux réfugiés.es ont ainsi passé tout le weekend sur les nerfs.

Bravo La Meute pour l’intimidation et la liberté d' »oppression » dont vous faites preuve.

7 réflexions sur “La Meute, cette fausse victime de la censure

  1. Vraiment très intéressant comme texte. Tu soulèves des aspects que la plupart des médias passent sous silence, et ce, avec des preuves pour appuyer tes dires.

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  2. Sauf mon respect pour tes analyses Xavier, et moi-même j’ai écrit souvent contre La Meute (et l’extrême-droite qui en profite), quelque chose cloche. On doit aussi voir que c’est un mouvement populiste au sens qui recrute des gens ordinaires qui ont peur. Des gens qu’on préféreraient voir lutter avec des mouvements sociaux progressistes, groupes réellement pour les droits humains, etc. Tu as parfaitement raison qu’il y a des éléments extrêmes et de la censure douteuse (quoique la censure sur FB est stupéfiante en général), mais bon nombre ne sont pas néonazis ou le Mal comme certains mouvements les dessinent. Il y a, par exemple, des personnes des Premières Nations parmi elle, entre autres. Pour dégonfler leurs peurs, peut-être vaincre ce qui contribue à la montée de l’extrême-droite, je suggère qu’il faut envisager des stratégies et moyens originaux, dont parler à des personnes membres de La Meute (celles qui ne sont pas vraiment d’extrême-droit je veux dire!).

    Comment dissiper leurs peurs (xénophobes) et réduire la droite nationaliste?

    Ps: La démonisation de Jaggi, par le maire et d’autres, me semble binaire et exagérée. En même temps, c’est la vie. Si on choisit la confrontation, c’est est un des effets normaux.

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  3. Bien que je sois en complet accord avec votre analyse, il reste que le résultat de la manif de dimanche c’est que tout d’un coup ce groupe haineux a obtenu plus d’attention et a gagné plus en crédibilité que tout ce qu’il aurait pu espérer. L’action des quelques Black Block a été de tourner une victoire éclatante contre le fascisme, parce-que la manifestation jusque là était un succès, en défaite atroce. Je suis atterré de voir que moins de 24 heures ont suffi pour opérer une normalisation d’un groupe qui aurait dû rester marginal et ridicule. OUI les médias et les politiciens, qui cautionnent tacitement les prises de position de tels groupes, sont plus que responsables. Mais cela est la réalité du terrain et on ne peut plus se contenter d’ignorer comment ce jeu fonctionne. Le fait est qu’en 2012 on voyait des policiers tabasser des manifestants et citoyens. Hier, deux citoyens sans défense aucune, âgés, dont un qui participait à la manifestation antiraciste, ont été battus violemment par des gens émanant au sens large de la manifestation. Et de cela il faut parler. Les bombes fumigènes et les chaises de terrasses, on s’en fout. Mais de cette agression physique contre des gens même pas membres du groupe raciste et sans défense, il faut parler. C’est incompréhensible. On vient d’ouvrir les portes bien grandes pour la normalisation de la nécrose suprémaciste blanche.

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  4. Très intéressant ton article; mais la lutte des classes et le changement social par la violence a aussi ses limites. Faut-il craindre qu’un jour que les droitistes se lassent de se faire taper dessus sans répliquer? La société est vraiment polarisée gauche-droite et tôt ou tard, ça éclatera si l’escalade se poursuit. Le chemin de la paix et de la tolérance est de loin ce qui fait progresser le plus à long terme. D’ailleurs, je suis surpris que M. Singh soit si violent, le pays d’origine de ses parents a illuminé le monde de sa sagesse il y a si peu de temps. Chacun est libre de penser ce qu’il veut et nul ne devrait s’incliner devant la pensée unique; la rupture du dialogue et l’intolérance ne sont pas les voies de la sagesse, mais celles de la folie destructrice. Les points de vue se valent tous si on prend le temps d’écouter. Il n’y a pas de vérité absolue. Rappelons-nous que « les actes parlent plus que les mots, croyez ce que vous voyez et oubliez ce que vous avez entendu. (auteur inconnu) » Salam Aleykoum Camarade, que ton combat trouve le chemin de la modération.

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    1. Mais M. Singh n’est pas violent! Pourquoi tout le monde l’associe-t’il à la violence de dimanche? Il a en effet participé, par le passé, à des actions de désobéissance civile, au même titre que des dizaines de milliers de gens, par exemple suite à la loi spéciale en 2012. Mais lui-même n’a absolument pas participé à ni instigué la violence de dimanche. Pourquoi tout le monde s’en prend-il à lui? Parce-que la police a décidé de l’arrêter lui plutôt que ceux qui frappaient sur des passants? C’est plutôt ça qui est louche!

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    2. Allo,

      À cette manifestation, Jaggi trimbalait un système de son, faisait jouer de la musique, et parlait dans un mégaphone pour lancer des arguments et slogans. *Je* vois *aucune* preuve que Jaggi aurait frappé ni commander à d’autres de frapper (pour ma part, ayant observé sur place et regardé les vidéos). Certes, il appuie la tradition « antifa » qui existe depuis la montrée du régime nazi (lire: je pense aux communistes qui combattaient les chemises brunes sur la rue), selon laquelle il faut empêcher les néonazis de manifester publiquement, s’organiser, etc.

      Petite réalité par contre : on doit constater que La Meute, populiste, recrute des gens ordinaires, qui ne sont pas néonazis ni néofascistes pour la plupart. Je n’accepte pas que certaines personnes aient frappé une personne âgée (et ce n’était pas un simple coup de poing si on regarde la blessure), intimider une mère avec ses enfants, etc. Ces personnes ordinaires sur la rue sont loin d’être des chemises brunes ni même des néonazis à la Charlottesville (hommes violents et armés).

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