Dans une réunion tenue le jeudi 13 décembre à Lévis, le Conseil confédéral de la CSN a pris position contre l’éventuel projet d’interdiction de signes religieux mis de l’avant par la CAQ de François Legault.

Il s’agit d’une excellente nouvelle pour le camp de la tolérance, car ce n’est pas en excluant des minorités confessionnelles de la fonction publique qu’on facilitera leur intégration.

Voici la position qui a été adoptée :

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Pour en apprendre davantage sur ce positionnement, j’ai interviewé M. Philippe Lepage, enseignant en sociologie et vice-président du Conseil Central Lanaudière – CSN, qui était sur place.

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Entrevue : première question

–Quelle instance précise a procédé au vote? Que répondre aux membres qui pourraient dire qu’ils n’ont pas été consultés?

M. Lepage : « Environ 300 élus.es, délégués.es, représentant toutes les régions du Québec, toutes les fédérations et instances, étaient là. La position de la CSN est débattue depuis longtemps ».

« En 2013, la CSN appuyait le compromis Bouchard-Taylor, le consensus s’est transformé depuis. Nous avons mandaté des gens pour faire un suivi de l’actualité, qui ont observé le changement des positions de Gérard Bouchard et Charles Taylor eux-mêmes, on a discuté les sondages, les prises de position de la CAQ, etc. ».

« Ces gens mandatés ont produit un document d’environ 30 pages et s’en est suivi une discussion de plusieurs heures où toutes les opinions ont été entendues. Suite à toutes les inquiétudes, il était important que la CSN adopte une position claire et c’est ce que nous avons fait ».

**Nota Bene : J’ai obtenu une copie du fameux document préparatoire de la CSN sur « La laïcité de l’État » via une tierce personne. Ce document fait 34 pages et contient de nombreux passages intéressants, dont une préoccupation eu égard à la montée de groupes haineux au Québec :

« Le Québec a évolué depuis la Commission Bouchard-Taylor, tenue il y a déjà onze ans. Malheureusement, les positions se polarisent et le dialogue devient difficile, comme c’est déjà le cas aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine depuis l’élection de plusieurs gouvernements de droite.

Au Québec, l’extrême droite est devenue très présente et virulente dans l’espace public et dans les réseaux sociaux, mais aussi dans certains milieux de travail, ce qui constitue une menace à la cohésion sociale. La montée de groupes tels que La Meute a d’ailleurs été dénoncée fermement par la CSN ».

1.2 Manif Storm Alliance

 

Entrevue : deuxième question

–La proposition adoptée le 13 décembre était-elle explicitement un positionnement par rapport au projet de loi à venir de la CAQ sur l’interdiction du port de signes religieux chez les employés.es de l’État en situation d’autorité?

M. Lepage : « Oui. La CSN se sent directement concernée puisque des membres pourraient se faire renvoyer. La CSN représente, entre autres, la grande majorité des employés.es de CÉGEP (FNEEQ), en plus de 4000 enseignants.es du privé, et d’autres, et même des agents correctionnels travaillant dans des prisons fédérales. Puis une fois le projet de loi mis de l’avant, ça pourrait influencer des patrons du privé et les conséquences pourraient se répercuter sur toutes les communautés minoritaires confessionnelles ».

 

Conclusion

Lorsqu’on lit la proposition adoptée, on se rend compte que la CSN est tout à fait favorable à la laïcité de l’État et évite soigneusement de tomber dans le piège d’une discrimination à l’égard des employés.es de l’État.

En d’autres termes, c’est l’État qui doit être « neutre » et non les employés.es, dont on n’a pas à brimer les droits fondamentaux. Donc la proposition statue que ce sont les institutions qui ne doivent pas afficher de signes religieux (par exemple le crucifix à l’Assemblée nationale) et imposer des périodes de prières (par exemple dans les hôtels de ville). Les individus, eux, ont droit à leurs croyances, tant que leurs signes ne nuisent pas à « l’identification, la communication et la santé-sécurité » :

z4old CSN et l'inclusivi22

Interdire la « kippa », le « hidjab », le « turban », etc., n’aiderait pas l’intégration des minorités confessionnelles, mais va plutôt favoriser leur exclusion.

Je vous laisse avec les mots du philosophe Michel Seymour, exprimés sur Facebook :

« Il y a de quoi se réjouir de la position adoptée par la CSN. À deux jours de l’hiver, c’est la meilleure nouvelle de l’automne, ou presque. C’est une avancée heureuse qui peut servir de modèle et inspirer les autres groupes. C’est une position qui va très exactement dans le même sens que notre ouvrage «La nation pluraliste. Repenser la diversité religieuse au Québec » (2018).

« La position de la CSN n’est pas arbitraire. Elle peut trouver des assises philosophiques solides. Nous en faisons par cet ouvrage la démonstration. Il n’y a pas de contradiction entre l’interdit du prosélytisme et l’acceptation des signes religieux. Dans notre ouvrage, nous expliquons pourquoi. C’est la différence entre les actes de langage assertifs ou directifs et les actes de langage expressifs. Porter un signe religieux est analogue à un acte de langage expressif ».

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