Depuis mercredi soir, Jérôme Blanchet-Gravel se trouve dans le pétrin en raison de d’affirmations violentes à l’égard des femmes. De nombreuses captures d’écran ont circulé rapidement sur le web, il en a même suspendu son compte Facebook le temps de gérer la crise. Nous présenterons ces captures trash en fin d’article. Mais d’abord, qui est-il?
Il est ce jeune doctorant en science politique (Université d’Ottawa) – sorte de Mathieu Bock-Côté islamophobe en plein essor – qui, à 28 ans seulement, a déjà publié trois ouvrages, en plus de participer à deux autres et de rédiger au moins 138 articles!
Quelle productivité vertigineuse pour un polémiste qui répète inlassablement le même mantra anti-multiculturaliste : si tout va mal dans le monde, c’est la faute de la maudite gauche « régressive » défendant les minorités, le voile, les femmes, pis même l’environnement…
Heureusement qu’il y a des « libre-penseurs » comme lui, qui osent affirmer leur fierté d’être « homme blanc hétérosexuel ». Ça c’est de la « vraie gauche » comme personne n’avait pu l’imaginer avant lui. Sauf peut-être Richard Martineau – duquel il se rapprochera au cours des dernières années – puis des tonnes d’autres conservateurs comme Mathieu Bock-Côté, qu’il fréquentera à Génération nationale, à partir de 2013.
D’où vient-il?
Il s’agit d’un jeune intellectuel épicurien de Cap-Rouge, près de Québec, qui a fait ses études collégiales au cégep François-Xavier Garneau. Tout d’abord passionné de musique, il remporte même un prix à Cégeps en spectacle (2011).
Blanchet-Gravel poursuit ses études à l’Université Laval, et ne semblait pas arborer le « carré rouge » lors du Printemps érable. Quand il évoquera Gabriel Nadeau-Dubois plus tard, c’est pour le traiter de « gauche collabo » – envers l’islamisme – et se targuer que l’entrée Wikipédia de GND se réfère à l’une de ses propres chroniques pour le taxer d’ «extrême-gauche ». On peut d’ailleurs apercevoir le célèbre « carré vert » Laurent Proulx qui appuie Blanchet-Gravel :

En fait, JBG, fin amateur de vin – sa famille possède des parts dans un vignoble – paraît s’être réellement épris de politique dans la foulée du débat entourant la Charte des valeurs du Parti québécois. Interdire à certaines femmes de porter le voile deviendra une mission sacrée pour ce jeune homme passionné de liberté.
Il fera la connaissance de son idole Djemila Benhabib en 2013, puis fait paraître son premier opus au titre génial: « Le Nouveau triangle amoureux : gauche, islam et multiculturalisme » (janvier 2014). Il fallait y penser. Toute la « gauche » occidentale couche avec l’islam et le multiculturalisme, c’est ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Quoiqu’il suffirait de coller une centaine de chroniques de Bock-Côté ensemble et nous aurions facilement une œuvre du même acabit…
Parlant de brillants combats, JBG sera par la suite « conférencier » vedette d’un cocktail pour soutenir « Poste de Veille » contre Dalila Awada (juin 2014). On sait désormais quelle était la valeur de sa bataille puisque que Philippe Magnan a été récemment condamné à verser 60 000$ à Mme Awada pour l’avoir diffamé en disant qu’elle était liée à des réseaux islamistes: pures machinations.
Précisons que l’événement faisait du même coup la promotion de son premier livre, publié aux éditions Accent Grave, appartenant à M. Daniel Laprès. Celui-ci une sorte de mentor pour le jeune homme à cette époque, si l’on se fie à leurs interactions sur Facebook. Rappelons qu’Accent Grave avait aussi publié un torchon contre le médecin et militant Amir Khadir intitulé « Les faces cachées d’Amir Khadir » (2012).
Au fil des années, la plus grande inspiration intellectuelle de Blanchet-Gravel a sans doute été le sociologue français Michel Maffesoli, qui a préfacé son dernier livre : « La face cachée du multiculturalisme » (février 2018). Maffesoli est surtout réputé pour ses penchants ésotériques, ayant par exemple dirigé une thèse sur l’astrologie, ce qui a fait scandale en 2001… Sa pensée est souvent contestée.
Ces médias réactionnaires qui publient JBG
Blanchet-Gravel s’est tout d’abord fait la main en écrivant des billets pour le Huffington Post (90 articles!), un média qui accueille toutes sortes de blogueurs sans les rémunérer. Puis il s’est taillé une place au sein de Causeur.fr, une tribune de tendance franchement islamophobe.
Le principal actionnaire de Causeur (44% des parts), Gérald Penciolelli, est une personnalité d’extrême droite française. Causeur.fr (et sa directrice de la rédaction, Élizabeth Lévy) ont été mis sur la liste noire des sites d’extrême droite dès 2009, par le MRAP, en plus d’apparaître dans un dossier sur le néo-fascisme du Nouvel Observateur en 2012 (source: Wikipédia). JBG y a donc publié une quarantaine d’articles antiprogressistes, dont en voici un échantillon :

Il y a quelques mois, notre jeune prodige s’est aussi fait recruter à Sputnik France, un média de fake news contrôlé par le Kremlin… Comme le mentionne Wikipédia : « La version française a été lancée le 29 janvier 2015, et a rapidement trouvé sa place dans les réseaux sociaux conspirationnistes et d’extrême droite ». Bravo à Blanchet-Gravel qui y a déjà fait paraître 8 articles.
Son idéologie
Jérôme Blanchet-Gravel est d’abord et avant tout un penseur identitaire méprisant la diversité sous le vocable « multiculturalisme ». Quand par exemple un DJ français vint à l’Élysée (DJ Kiddy Smile) avec sa troupe de danse, notre cher visionnaire cria à la « Décadence de l’Occident », rien de moins. Puis rit aux éclats suite à un commentaire préconisant une sorte d’eugénisme des « Africains », à la blague…
Ajoutons qu’il considère Donald Trump être l’incarnation de « la vraie gauche » et le qualifie même de « révolutionnaire ». À quand un doctorat en science politique pour JBG, ça presse!
Puis après avoir participé à « Génération nationale », tout le monde s’attendait à ce qu’il épouse la cause catalane, eh bien non : il préfère le pouvoir autoritaire de Madrid. Il a un béguin pour la répression, car trop de « sécessions » conduirait à l’émergence de nations dangereusement « multiculturelles », et imaginez au Québec s’il fallait que les Autochtones se mettent à quémander des territoires?
À la manière de MBC, son cheval de bataille à lui sera donc le « multiculturalisme », qu’il voit partout :
Et sur la question de l’antiracisme, il défendra sans gêne la fumisterie du « racisme inversé » :
Voir sa remarque condescendante à l’endroit du rappeur et historien Webster :
Mais attention, il n’est pas du tout raciste, car il aime bien les « femmes exotiques » :
La controverse autour de SLĀV le fera particulièrement réagir. Pour lui « Mine de rien, les antiracistes racistes nous offrent leur mort idéologique sur un plateau d’argent » (7 juillet). « Une mulâtre (serait)-elle autorisée à (chanter la pièce)? » (28 juin). Il soutient également qu’on ne négocie rien avec les « extrémistes », « Pas plus qu’on ne négocie avec les terroristes » (9 juillet). Okay…
C’était donc la panique chez JBG. Voyant l’opposition à SLĀV, il évoque un « suprématisme noir. Un Afro-suprématisme auquel adhèrent des Blancs » (27 juin). Il fera aussi un parallèle douteux avec les « prostituées » :
Bref, Blanchet-Gravel n’aime pas la diversité, les immigrants.es, et même les écologistes… qu’il enverrait bien « en région », pour s’en débarrasser (son deuxième livre, paru en 2015, pourfendait notamment ce qu’il nomme l’« écologisme ») :
L’affaire de l’Amère à boire
Dans les dernières semaines, notre ex-musicien s’était démarqué sur les réseaux sociaux en déplorant avoir été « expulsé » d’un bar de Montréal pour ses « opinions politiques ».
À la vérité, c’est seulement après avoir payé son addition qu’il se serait fait dire qu’il n’était pas le bienvenu dans ce bar. Non pas pour des raisons politiques, mais pour son attitude méprisante générale envers les femmes qu’il conçoit comme simples instruments de satisfaction. Voir par exemple ce témoignage d’une blogueuse :
« Dès le lendemain, Richard Martineau publiait sur sa page Facebook un statut dénonçant l’événement. Tellement habitué de critiquer aveuglément les mêmes idéologies, il a mis l’incident sur le dos de « la gauche Plateau », alors que ce n’était pas vraiment lié à des idées politiques et que le bar se trouve dans le Quartier latin, dans l’arrondissement Ville-Marie. Belle preuve de sa rigueur professionnelle.
C’est plutôt pour ses propos concernant les femmes qu’il n’est plus le bienvenu dans cet établissement. Son discours antiféministe s’approche dangereusement de l’incitation au harcèlement sexuel et ne relève donc plus de la liberté d’expression, mais devient une menace pour la sécurité des autres ».
Blanchet-Gravel est un habitué des situations polémiques, à tel point qu’il s’était aussi fait tasser d’un séminaire universitaire l’an passé, selon son propre témoignage. Doctorant en science politique, il avait plaidé que le pouvoir politique était un « principe érectile » comme la figure du père et avait opposé ça à un principe d’« invagination » :
Ultimement, c’est plutôt ses discours antiféministes, niant notamment la notion de culture du viol, et son attitude générale à l’égard des femmes, qui ont gêné les serveuses de l’Amère à boire. Fier de son machisme, il a tendance à objectiver les femmes. Sur son mur Facebook, il publie par exemple des postérieurs de femmes qu’il photographie lui-même, avec le message « sans commentaire » :

Des captures d’écran choquantes
Depuis mercredi soir, Blanchet-Gravel est rattrapé par un ensemble de captures d’écran dont le contenu se révèle hautement misogyne. Il a même dû fermer son compte Facebook mercredi soir, pour échapper à l’effet de ressac.
(**Trigger Warning, contenu sexuel violent)
On pourrait regrouper les premières captures sous la thématique du mépris de la gauche dite « inclusive ». On sent la hargne contre les progressistes et les « inclusives ». Au sujet de Québec solidaire, il dira par exemple que c’est « un parti de filles mal-baisées ». Dans la quatrième image, JBG invite son interlocuteur à « se convertir à son idéologie » pour augmenter son « potentiel de fo*rrer » :
Dans les cinq captures suivantes, on le voit agressif et islamophobe (« houri » étant une beauté céleste du paradis d’Allah) :
Enfin, les deux dernières sont plutôt identitaires. Il affirme que « C’est au peuple québécois de juger ses immigrants : ce n’est certainement pas aux immigrants de juger notre peuple » et « Je suis islamophobe tout court et je m’en revendique fièrement ».
Conclusion
Jérôme Blanchet-Gravel se révèle un idéologue de droite qui souhaite défendre ses privilèges. Son égo étant démesuré, il semble prendre ses propres inclinations personnelles pour des enjeux d’intérêt national. Mais tout compte fait, on n’y trouve point une pensée politique cohérente, mis à part un constant mépris des mouvements sociaux, de la diversité, du féminisme, de l’islam, de l’immigration, de l’antiracisme et même de l’écologisme.
Ce n’est pas ce qu’on appellerait de la « libre-pensée », mais simplement une série de petits réflexes défensifs identitaires, visant à préserver ses privilèges propres et les privilèges de celles et ceux pouvant lui offrir les plus grandes tribunes. C’est admirable…