Ces derniers jours, il y a eu une mini-tempête médiatique au sujet d’un quasi événement à l’Université de Montréal.
On a allégué que (1) il y aurait eu « blocage », « interruption » et « censure » et que (2) Québec solidaire était possiblement derrière le coup d’éclat.
En fait, rien de tout cela n’est vrai, si l’on porte attention à la version des manifestants.es en question. J’ai pu mener une entrevue avec trois des quatre personnes concernées, incluant les deux instigatrices de cette manifestation spontanée.
Les médias (en particulier ceux de Québecor) ont monté l’affaire en épingle sans aller vérifier l’authenticité des faits. Comment peut-on simplement s’en remettre au statut Facebook d’un homme, Keven Brasseur, qui n’était même pas présent sur les lieux?
Séquence des événements
Jeudi dernier, sur l’heure du midi, se tenait un kiosque de la jeunesse caquiste à l’Université de Montréal. Voyant de l’animosité autour du kiosque – notamment des étudiantes portant le hidjab qui semblaient se quereller avec les militants.es de la CAQ – des étudiantes ont décidé d’organiser une réunion spontanée à quelques mètres du kiosque, pour faire valoir « un contre-discours ».
L’ambiance était cordiale et sympathique, l’accès au kiosque n’a jamais été entravé et les manifestants.es ne criaient pas. Ça n’a duré que 20 à 25 minutes.
Toutefois, un certain Keven Brasseur qui n’était pas là, président de la Relève de la CAQ, a écrit un statut virulent dès 12h54 pour condamner ce qu’il appelait un « blocage d’accès », par des gens « se réclamant de Québec solidaire » et « affirmant vouloir brimer volontairement notre liberté d’opinion et d’expression ».
Ceci n’était qu’un tissu de fake news…
Dès 15h36, le « Journal de Montréal » poursuit l’offensive en donnant raison à Keven Brasseur, un gars qui n’était pas présent. On souligne en gros titre qu’il y aurait eu « censure » :
La suite de l’article parle d’« obstruction » :
Le même Keven Brasseur se retrouve ensuite à l’émission « Le retour de Mario Dumont », sur QUB Radio, où l’on répète la même version falsifiée des événements.
Puis Mathieu Bock-Côté en tire une chronique enflammée, sans prendre la peine, lui non plus, d’aller vérifier les informations :
Le grand sociologue du Journal de Montréal les traite de « brutes » et de « fanatiques », alors que la manif était pourtant calme et pacifique :
Sur les réseaux sociaux, la colère grondait contre ces étudiants.es et contre QS :
Le philosophe Normand Baillargeon a partagé le billet de Bock-Côté :
Que s’est-il vraiment passé?
J’ai mené des entrevues téléphoniques avec 3 des 4 manifestants.es. Leurs versions concordent : il n’y a eu aucun blocage et l’ambiance était cordiale. Elles n’étaient pas 10, pas 8, mais juste 4 personnes :
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Comme elles ne souhaitent pas être identifiées, appelons-les Répondantes 1, 2 et 3 (r1, r2, r3) :
Question 1 : « Votre action avait-elle été planifiée? Pourquoi aviez-vous en main des macarons contre la Loi 21? »
–R1 : « Non pas du tout. On était sur l’heure du midi. On a vu leur kiosque et ça avait l’air animé : il y avait deux filles voilées qui leur parlait. On s’est dit qu’il fallait présenter un contre-discours, montrer aux personnes racisées qu’il y a « une autre voix » à l’Université de Montréal, pas juste le discours hégémonique pro-caquiste ».
–R2 : « J’étais avec elle, j’ai vu 3-4 filles avec des voiles à leur kiosque, on a voulu réagir. On est allées dans les locaux associatifs rejoindre deux amis et on leur a demandé s’ils avaient toujours les pancartes de grève. On a écrit des messages improvisés et on est allés se poster à quelques mètres de leur table ».
Question 2 : « Y a-t-il eu censure? Keven Brasseur laisse entendre que vous avez affirmer « vouloir brimer volontairement notre liberté d’opinion et d’expression»»
–R1 : « Hahahaha, pas du tout! Notre présence était pacifique, non-violente. On n’a pas crié non plus car on étaient gênées. Les gens et leurs amis.es continuaient à fréquenter leur table, nous étions à un bon deux mètres de distance ».
–R3 : « Ils nous ont même offert de faire un concours de macarons, celui qui les distribueraient le plus vite. Quand on est partis, on s’est même serrés la main, c’était cordial. À un moment, ils nous ont demandé de prendre une photo tous ensemble, on s’est tassés et ils ont pris une photo d’eux ».
« Une fois la sécurité est venue et ils nous ont demandé de baisser nos pancartes. On leur a dit qu’on voulait juste présenter un autre point de vue et le gars de la sécurité a dit que c’était correct, il est parti. C’était pacifique et respectueux, il n’y avait pas de problème ».
Question 3 : « Pourquoi on vous a associé à Québec solidaire, d’où est partie la désinformation? » (Keven Brasseur a lui-même fait une mise à jour de son statut pour rectifier son erreur)
–R1 : « On sait pas, le pire c’est qu’on leur avait bien expliqué que c’était une initiative non-partisane. L’un de nous a juste dit qu’il avait voté « Parti Rhinocéros », on ne sait pas pourquoi ils ont voulu laisser croire qu’on était QS »…
Conclusion
Si l’on se fie aux principales intéressées, il n’y a donc eu aucun « blocage », aucune « censure », les gens circulaient librement; l’atmosphère était amicale et pacifique. Puis Québec solidaire n’avait rien à voir là-dedans.
Notons qu’en dehors de TVA/Journal de Montréal/QUB Radio, aucun média ne semble s’être intéressé à la nouvelle. Y a-t-il vraiment eu « nouvelle » ou non-événement monté en épingle?
(N.B.: si des journalistes veulent réellement entendre leur point de vue, on peut les contacter ici :
https://www.facebook.com/Anarcho-FA%C3%89CUM-966941673638013/ )