Ricardo Duchesne, prof universitaire d’extrême-droite

Ricardo Duchesne est un professeur de sociologie de l’histoire à l’Université du Nouveau-Brunswick et éminent défenseur de la suprématie blanche. D’après lui, l’immigration et le « multiculturalisme » seraient la cause d’un vaste ethnocide anti-blanc.

Ironiquement, il est lui-même issu de l’immigration, étant d’origine portoricaine. Il serait arrivé au Canada à 15 ans, et fera ses études universitaires de premiers cycles à Montréal : il a tout d’abord étudié l’Histoire à McGill, pour ensuite faire une maîtrise à Concordia, sous la direction de George Rudé.

Duchesne ira par la suite à l’Université de York, à Toronto, pour compléter un doctorat dans le prestigieux programme de « Social & Political Thought » (1994). L’année suivante, il se trouve un poste d’assistant à l’Université du Nouveau-Brunswick (Saint-Jean), où il vit toujours.

Le Pr Duchesne a gardé des liens amicaux avec certains Québécois, notamment la Fédération des Québécois de Souche (FQS), qui lui a accordé une entrevue en avril 2014. Des membres du Council of European Canadians aurait « d’ailleurs organisé une conférence privée de Ricardo Duchesne à Montréal en juin 2017, dans un dans un lieu gardé secret ».

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Auteur de livres classiques (pour l’extrême-droite)

Son premier ouvrage qui lui donnera une certaine notoriété s’intitule The Uniqueness of Western Civilization (2011). Selon la description Wikipédia : « il y critique, depuis une perspective raciste et fascisante, les effets destructeurs du multiculturalisme sur la Culture occidentale ».

 

 

Dans la pensée de M. Duchesne, l’Occident, principalement les mâles occidentaux, seraient à la source d’à peu près tout ce qu’il y a de génial sur Terre. C’est pourquoi il multiplie les articles soulignant que tous les grands philosophes de l’Histoire étaient des hommes et dans les beaux-arts aussi :

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En grand intellectuel qu’il est, il ne lui viendrait pas à l’esprit que les structures patriarcales des sociétés occidentales ne permettaient aux femmes la liberté publique de pouvoir s’éduquer et s’exprimer tant en philosophie que dans les beaux-arts…

Avec les années, Ricardo Duchesne se radicalise toujours davantage, ayant rejoint les idéologues de l’Alt-right. Son dernier ouvrage majeur est Canada In Decay: Mass Immigration, Diversity, and the Ethnocide of Euro-Canadians (2017). Comme le titre l’indique, il réfère explicitement à la problématique xénophobe d’un soi-disant « ethnocide » des « Euro-canadiens ».

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(cet autre opus sur l’« homme faustien », 2017, qui reprend ses idées suprémacistes, a été publié sur Arktos, une maison d’édition d’œuvres d’extrême-droite)

Par « Euro-canadiens », il entend bien sûr les gens de « race blanche ». Pour celles et ceux qui en douteraient, il n’hésite pas à parler d’ethnocide anti-blancs sur son blogue :

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Les articles de blogue du professeur raciste sont traduits en français par la gracieuseté d’un certain Alex, proche de la Fédération des Québécois de Souche. L’impact de ses messages peut se faire ressentir jusqu’au Québec, comme en fait foi par exemple ce sous-commentaire dans le Journal de Montréal :

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La création d’un blogue extrémiste

En 2014, il fonde un blogue influent du nom de « Council of European Canadians », dont le diminutif est Eurocanadian.ca. Il est ainsi le créateur, le principal contributeur et un modérateur de ce site web dédié à la promotion et la défense des droits « ethniques » des « Eurocanadiens ».

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En d’autres termes, c’est une sorte d’équivalent canadien de la Fédération des Québécois de Souche (FQS). La FQS participe d’ailleurs allégrement à cette tribune. Rémi Tremblay, porte-parole officiel de la FQS, n’hésite pas lui-même à y soutenir la « race blanche ». En voici deux exemples :

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Ricardo Duchesne s’en donne donc à cœur joie, sur cette tribune retransmise aussi sur Facebook et Twitter. Ici, il défend notamment que les politiques d’« identité blanche » seraient enchâssées dans la constitution du Canada :

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Ou bien il est convaincu que le modèle multiculturaliste encourage l’« ethnocide des peuples européens » :

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En plus de défendre ces idées ahurissantes, la plateforme promeut l’essor d’un groupe identitaire organisé « ID Canada », qu’elle vante comme étant le principal mouvement identitaire au pays :

 

 

En somme, le blogue de Ricardo Duchesne, « Council of European Canadians », n’est pas seulement une tribune de propagande, mais également une passerelle vers des groupes d’extrême-droite.

 

Controverses

Bien que ses idées racistes soient connues depuis au moins 2011, ça a pris un bras de fer avec un élu de Vancouver, Kerry Jang, pour que les médias portent les projecteurs sur cet idéologue réactionnaire.

En janvier 2015, M. Jang avait porté plainte à l’Université du Nouveau-Brunswick pour ses propos à caractère haineux. Duchesne s’offusquait de ce que les communautés chinoises de Vancouver fassent valoir leurs droits. Comme l’avait rapporté Radio-Canada :

Duchesne avait « établi des comparaisons entre le fait qu’à Hong Kong et au Japon, les mégapoles sont sales et des choses comme ça pour dire que tous les Asiatiques sont sales », affirme le conseiller Kerry Jang. « Le professeur Duchesne plaide qu’il invite les étudiants à repenser les valeurs du multiculturalisme. Il soutient que les blancs se font dominer dans leurs propres pays ».

« La Suède n’avait pratiquement pas de cas de viol. Soudainement, ils ouvrent leurs frontières et ont un des plus hauts taux de viol au monde. En Norvège, il se passe la même chose », affirme Ricardo Duchesne.

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Quelques mois plus tard, ce sont 10 de ses propres collègues sociologues qui sont sortis dans les médias pour dénoncer le fait que M. Duchesne encourageait la formation d’associations étudiantes suprémacistes blanches :

« La lettre a été publiée lundi à la suite de la publication d’une entrevue avec le professeur Ricardo Duchesne par des étudiants suprémacistes blancs de l’Université Ryerson à Toronto » (Radio-Canada, 24 septembre 2015).

Le docteur Duchesne avait effectivement accordé une entrevue vidéo à des étudiants souhaitant former une association qui devint « Students for Western Civilisation ». Ce groupe d’activistes est ensuite allé poser des posters revendiquant leur blanchitude « White Students »!

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M. Duchesne ne les désavoue pas. Il réplique simplement qu’il aurait préféré le terme « Euro-canadien » à « blancs ». C’est bien sûr de la poudre aux yeux considérant le fait qu’il parle constamment d’« ethnocide blanc » sur ses divers forums. Voir, entre mille, ce billet traduit en français :

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Notons qu’il a aisément traversé ces épisodes tumultueux de 2015, car son syndicat l’a défendu bec et ongles en invoquant le « principe de la liberté académique » (principe fort légitime, mais le syndicat sait-il à quel point son combat raciste est permanent?).

Duchesne cumule aussi de nombreuses entrevues par Skype, notamment en visant des publics jeunes ouverts à l’Alt-right, p.ex. ici chez Alex Van Hamme, Henrik Palmgren, puis Stefan Molyneux:

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(Henrik Palmgren était d’ailleurs présent à la manif « Unite de Right » à Charlottesville, 2017).
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(Molyneux est un militant canadien de l’Alt-right, il a déjà étudié à McGill, 1991)

 

 Conclusion

Ricardo Duchesne est un penseur et un militant d’extrême-droite.

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Ses articles, livres et conférences font constamment référence à la race blanche (et au pouvoir des mâles), supposément menacée par le multiculturalisme. Pour esquiver l’étiquette de « raciste », il utilisera le terme « Euro-canadien » qui n’est pour lui qu’un synonyme de race blanche.

Actuellement, il est plus actif que jamais. Récemment, il a par exemple joué les victimes en voulant faire une conférence à l’Université de Waterloo avec Faith Goldy, une commentatrice polémique (anciennement à Rebel Media) reconnue pour ses positions d’extrême-droite. Il a annulé sa conférence car l’université leur exigeait 28 000$ en frais de sécurité. À la manière de Richard Spencer qui fait des conférences sur les campus américains, il va pousser les limites de la liberté d’expression académique à son maximum…

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Jean-François Gariépy, autre star québécoise de l’Alt-right

La semaine dernière, l’un des néonazis les plus influents d’Amérique du Nord fut démasqué : le fameux Zeiger, #2 de Daily Stormer, est un Montréalais du nom de Gabriel Sohier Chaput.

Le site « Daily Stormer » (80 000 visiteurs distincts/mois), existe depuis 2013 et est un important fer de lance du mouvement Alt-right. On parle ici de la frange la plus raciste du mouvement, défendant la création d’un État-ethnique fondé sur le suprémacisme blanc. En plus de ses activités de propagande en ligne, Sohier Chaput aurait mis sur pied un groupe d’une quinzaine de militants à Montréal, qui se rencontraient de temps à autre.

Alors que « Zeiger » est actuellement en fuite, un autre Québécois est en train de vivre ses heures de gloire, en tant qu’influent Youtubeur.

Jean-François Gariépy est un idéologue de l’Alt-right partageant les mêmes idées suprémacistes que Zeiger. Il se révèle d’ailleurs apprécié au Daily Stormer. Mais contrairement à son homologue québécois, il ne cache même pas son identité tant il est fier de ses valeurs. Ancien chercheur post-doctoral à la prestigieuse Université de Duke, Gariépy est convaincu de sa supériorité intellectuelle.

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De Sainte-Sophie à Duke

Gariépy est originaire de Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Selon sa courte biographie, il se découvre tôt une passion pour la biologie, en observant la reproduction de ses poissons dans un bocal. Il gravit rapidement les échelons académiques et complétera son doctorat à la Faculté de médecine l’Université de Montréal, en Sciences neurologiques.

Il réalise ainsi ses trois cycles universitaires à l’Université de Montréal, 2003 à 2012, incluant un petit stage doctoral à l’Université de l’Illinois (Chicago, 2009). À compter de 2011, il se trouvera un poste de chercheur à l’Institut des sciences du cerveau à Duke. Il vivra des années d’intenses recherches en participant à des dizaines de projets et publications scientifiques, tout en publiant au Huffington Post et en démarrant une chaîne Youtube, Neuro.tv, consacrée à ses intérêts académiques.

 

 

Il développe alors ses talents d’animateur de vlog, et s’intéresse de plus en plus aux questions politiques. Jusqu’en 2014, il se situera plutôt dans le champ gauche, au point de même appuyer une campagne de financement pour le lancement du média Ricochet…

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En 2015, il claque tout pour se vouer entièrement à son militantisme politique. Il rédigera d’ailleurs une « lettre de démission » du monde académique, qu’il estime vicié. Ironiquement, 8 ans plus tôt, c’est dans la même Université de Duke que Richard Spencer, chef de file néonazi de l’Alt-right, avait abandonné son doctorat pour se livrer à ses activités racistes.

 

Scandales sexuels et Warski Live

Il se radicalise en 2015-2016, s’empêtrant au même moment dans des scandales sexuels. Ses web-biographies en font état, d’autant plus qu’il en parlera par la suite dans ses émissions.

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Il y aura par exemple ce sombre épisode où il a tenté de fiancer une jeune femme de 18 ans autiste et ayant un problème de déficience intellectuelle prononcé. Durant le procès qui eut lieu au Texas, le psychiatre « Dr. Mark Thompson a établi que la jeune femme avait la maturité mentale et sociale d’un enfant de 10 ou 11 ans ».

Gariépy se révélera d’ailleurs être un fan de Roosh V, le fameux blogueur détesté pour ses apologies du viol. Le 6 février 2018, Gariépy avait invité le masculiniste à l’émission qu’il co-animera avec Andy Warski :

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Pire encore, Gariépy admettra en ondes être poursuivi par 7 femmes l’accusant d’agressions sexuelles. Il s’en plaindra avec un humour douteux : « Je dois faire face à plus de fausses accusations cette année que Trump dans sa vie entière! ».

Heureusement pour lui, Andy Warski l’accueillera donc à son émission, Warski Live, qui attirera de 40 000 à 60 000 auditeurs. Ce Warski est un Canadien originaire de la région de Toronto. Adepte de l’Alt-right, il raffole lui aussi de l’antiféminisme, des blagues racistes et des positions anti-LGBTQ+. C’est cette émission qui fera de Gariépy une star anglophone de la droite alternative, même si son accent québécois demeure fortement marqué.

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Trop radical pour Warski

De l’avis de Gariépy, c’est grâce à lui si l’émission Warski Live était passée de 2 000 à 60 000 auditeurs, car il apportait de bons arguments par le biais de son intellect supérieur. Il se présente d’ailleurs comme « biologiste des races », puisqu’il a une formation en biologie. Il souhaite donc répandre la bonne nouvelle d’une séparation des races en des États distincts, ce que Warski l’empêchait de faire trop manifestement.

Une rupture surviendra entre Warski et Gariépy le 25 avril dernier, suite à une entrevue avec Christopher Cantwell, que le Québécois semble admirer sans borne. Cantwell est célèbre pour avoir été une figure de proue de la grande manifestation suprémaciste de Charlottesville, « Unite the Right », en août 2017.

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L’invincible Cantwell à Charlottesville

Il faut dire que dès que la police lui avait mis la main au collet il s’est mis à pleurer en disant qu’il était terrifié:

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Lors de l’émission controversée à Warsky Live, Cantwell soutenait par exemple que « si les Noirs causent problème, c’est à cause des Juifs qui nous convainquent de vivre dans un État multiculturel ». D’après Gariépy, il s’agirait d’un raisonnement tout à fait juste, il reproche à Warsky d’avoir diffamé son idole en le traitant de raciste.

Il faut dire que ces performances « live » s’avèrent très lucratives, on peut compter plusieurs centaines$ en dons, par heure. Andy Warski aurait refusé au moins 3-4 invités proposés par Gariépy au cours des derniers mois, afin de ne pas voir son émission trop déraper vers l’extrême-droite. Le Québécois s’en plaint amèrement : « Warski a décidé de s’en aller avec l’Alt-right, mais quand on fait ça, faut s’attendre à être rejeté par la gauche! ».

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Nouvelle émission décomplexée : « The Public Space »

Depuis le 25 avril, Jean-François Gariépy anime désormais seul un show radicalement décomplexé, invitant les pires ténors du suprémacisme blanc, tels Richard Spencer, Nick Fuentes, l’antisémite Luke Ford, la pro-génocidaire Emily Youcis – elle plaide pour la disparition des « Africains » – et Mike Enoch.

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Richard Spencer se passe de présentation, il est possiblement le néonazi le plus connu en Amérique, étant lui aussi un leader de l’Alt-right et de Charlottesville :

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Quant à Mike Enoch, il s’agit du fondateur des blogues néonazis et podcasts The Right Stuff et Daily Shoah. Gariépy avait déjà participé à ce vlog le 18 avril et il a rendu la pareille à M. Enoch le 1er mai et 3 mai.

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Cette nouvelle émission, The Public Space, au contenu ultra-violent et radicalement raciste attire de 30 000 à 50 000 visionnements. Même si Gariépy vient tout juste de quitter Warsky Live, le succès fut instantané.

En conclusion, Gariépy s’est radicalisé à l’excès, il est vraiment tombé aux bas-fonds du néonazisme décomplexé. Son émission n’est-elle pas une sorte de Daily Stormer sous forme d’entrevues, à visière levée?

Bilan de la révolution Antifa telle que prophétisée par l’Alt-Right le 4 novembre

Dans les dernières semaines, l’extrême-droite américaine s’était emballée au sujet d’une éventuelle « révolution Antifa » supposée survenir le samedi 4 novembre.

Férue de théories conspirationnistes, la fachosphère excelle dans l’art de monter en épingle un fait divers pour en faire un événement majeur, voire apocalyptique. Est-il possible de ramener à la raison un tel mode d’appréhension de la réalité?

L’homme derrière le dernier canular est Alex Jones, animateur du site web InfoWars.com, roi de la désinformation. On peut dire qu’InfoWars et Breitbart News sont les plus célèbres fabricateurs de «fakes news» et deux solides piliers de l’Alt-Right.

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Alex Jones s’est donc mis à prédire une véritable « Guerre de sécession » d’une violence inouïe, qui devait se produire samedi le 4. Il y a certes bien de gens qui aimeraient voir l’administration Trump renversée, mais depuis quand une poignée de manifestants.es pourrait-elle venir à bout de la plus puissante armée mondiale? M. Jones a alors mis de l’avant le concept de «super-soldats antifascistes» :

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Au Québec

La panique s’était aussi emparée de conspirationnistes québécois tel Guy Boulianne (alias le Prince fou), fondateur du Mouvement républicain du Québec. Il est parvenu à convaincre quelques-uns de ses supporters qu’une sorte de cataclysme se préparait :

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Selon Boulianne, les antifas allaient ainsi entrer dans nos maisons, saisir nos armes : «ce sera plus grand que tout ce que nous avons vu». Il accusa le New York Times d’être derrière ce coup d’État « communiste » :

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Un film d’horreur se préparait?

 

L’Alt-Right peut-elle être contredite?

À vrai dire, ces gens ont l’imagination fertile car il ne s’est rien passé du tout. InfoWars a couvert l’événement en direct, qui se limitait à de petites manifs pacifiques de quelques dizaines de femmes et hommes arborant des pancartes en carton.

Le pseudo-journaliste dépêché sur place par InfoWars fut le jeune Owen Shroyer, troll professionnel narcissique et impoli, qui coupait la parole des interviewés en leur disant : «tu parles trop» :

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Visiblement gêné par leur prédiction erronée, les bonzes d’InfoWars se sont moqué des antifas et de Soros qui n’ont pas réussi leur révolution : « ANTIFA Uprising is a major FAIL for Soros ».

Comment Alex Jones et ses bigots peuvent-ils surmonter l’épreuve des faits à chaque fois? Simple : en générant toujours plus de fake news, venant supposément corroborer leurs fantasmagories.

Dimanche le 5, un terrible attentat au Texas fit 26 morts, dont plusieurs enfants. L’Alt-Right s’est précipité sur la nouvelle pour en détourner le sens. Il affirme que la tuerie serait l’acte d’antifas. Au Québec, Boulianne retransmit cette désinformation :

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C’est donc ça le gros coup que tramait les communistes? Eh bin non, les vrais médias démontreront qu’il n’y avait aucun rapport avec l’antifascisme.

Boulianne est un récidiviste. Il avait aussi pointé du doigt les antifas pour le massacre de Las Vegas, un mois plus tôt, pour faire mousser une pétition dont il est l’instigateur:

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En conclusion, il peut sembler difficile de raisonner ce genre d’individus, préférant leurs fantasmes à la réalité. Mais il demeure indispensable de réfuter les fake news qu’ils cherchent à diffuser, leur propagande peut avoir des effets concrets.

On se doit de discréditer des types comme Boulianne, qui tentent ardemment de tisser des liens avec des médias et personnalités publiques capables de plus de rigueur.

Richard Spencer, chef de file de l’Alt-Right

À 39 ans seulement, Richard Bertrand Spencer est le plus célèbre néonazi de notre époque. Il s’est notamment démarqué en étant l’auteur du terme « alt-right » signifiant « droite alternative ».

L’alt-right est l’un des mouvements populaires – fort réactionnaire – ayant propulsé Donald Trump à la présidence, au grand plaisir de Spencer, pour qui sa victoire s’avère « un premier pas vers une politique identitaire aux États-Unis », un « triomphe de la volonté » (en référence au film de propagande nazi tourné par L. Riefenstahl en 1935).

Mais attention, M. Spencer refuse l’étiquette de « suprémaciste blanc ». Son utopie résiderait davantage en un « ethno-État » où il n’y aurait que des blancs, donc aucune personne racisée ne s’y ferait exploiter…

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Spencer semble plutôt miser sur son look extérieur, que son contenu (vide)

 

D’où vient ce raciste?

Richard Spencer est un gosse de riche qui eut le luxe de fréquenter plusieurs grandes universités américaines malgré ses nombreux déboires académiques. Son père est un prospère médecin ophtalmologiste de Dallas, alors que sa mère est l’héritière d’une puissante famille ayant fait fortune en exploitant des fermes de coton en Louisiane.

 

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Né à Boston, Spencer a ensuite grandi à Dallas (Texas), pour ensuite suivre sa mère à Whitefish (Virginie). Il étudiera principalement la littérature anglaise, les sciences humaines, puis l’Histoire intellectuelle européenne, jusqu’au doctorat, mais abandonnera sous prétexte que son idéologie n’est pas bien reçue : elle serait un « crime de la pensée ».

C’est à l’adresse de sa maman qu’il enregistrera donc les organisations qu’il fonde à partir de 2005. La première fut la fameuse “National Policy Institute”, qui, malgré son nom pompeux, ne comptera que lui comme salarié (des miettes) durant les douze années suivantes. Ce think tank lui permet toutefois d’organiser conférences et happenings défiant les limites de la liberté d’expression.

En 2006, il crée les Éditions Washington Summit (également enregistrées au domicile maternel de Whitefish). Soit dit en passant, l’ex-femme de Spencer, Nina Kouprianova, traduisit des ouvrages du néofasciste russe Alexandre Douguine, publiés par Washington Summit Publishers.

À compter de 2013, il lancera aussi le Radix Journal (biannuel). On y imprime des tracts racistes, en plus d’y publier des ouvrages eugénistes et antisémites.

La maman de Spencer finira par se dissocier des frasques idéologiques de son fils car ses propriétés commencent à perdre de la valeur à force de subir les contrecoups de l’indignation populaire (leur immeuble de Whitefish est désormais en vente):

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Notons d’ailleurs que Radix Journal a primé l’un de nos suprémacistes locaux, soit Rémi Tremblay, porte-parole de la Fédération des Québécois de Souche :

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Bien que le National Policy Institute s’avère un quasi « one-man show », on y publie sporadiquement quelques ouvrages racistes dans un réel dessein de propagande intellectuelle. Le lancement du projet avait d’ailleurs été appuyé par le mécène William Regnery II, qui finança une kyrielle de groupes haineux.

Spencer aurait entre-temps forgé l’expression « Alternative Right », en 2008, peu avant d’ouvrir un blog du même nom, en 2010.

 

Les sorties publiques de Spencer

Dans les années 2006 à 2015, le néonazi américain parvient à se prononcer sur divers campus américains et radios universitaires. Mais ce n’est qu’avec la campagne de Donald Trump qu’il commence à vraiment gagner en popularité. Le candidat à la présidence avait par exemple embrassé le mouvement alt-right en octobre 2015, en re-tweetant une image de lui en « Pepe the Frog » qui devenait l’icône-phare de la droite alternative :

trump re tweeted Pepe 13 oct 2015

De son côté, Richard Spencer réussit son plus grand coup d’éclat en novembre 2016, lorsqu’il tint une conférence antisémite directement à Washington, devant plus de 200 personnes. Le discours de Spencer était truffé de citations nazis en allemand et se termina par des saluts hitlériens enthousiastes. Ces images ont fait le tour du monde :

 

Alt Right Group Holds Annual Conference In Washington, DC

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Le discours se concluait par les mots : « Hail Trump, hail our people, hail victory! ».

Deux mois plus tard, à la victoire de Trump, Spencer fut la cible d’un opposant qui le frappa au visage au moment où il tentait d’expliquer à une journaliste le sens de la jolie épinglette de « Pepe the Frog » qu’il portait au veston :

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Il s’est à nouveau fait humilier en avril, à l’Université d’Auburn, quand une étudiante lui vola la vedette en lui demandant : « Comment se fait-il que les blancs seraient plus racialement opprimés que les Noirs, alors que je suis une femme noire dans une institution à prédominance blanche? » « J’aimerais aussi savoir comment vous vous êtes senti en recevant un poing sur la gueule? »…

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Spencer ne se laisse toutefois pas impressionner et continue ses activités suprémacistes, notamment en organisant les événements de Charlottesville, afin de défendre une statue de Robert E. Lee (commandant sudiste pro-esclavagiste).

Une première marche aux flambeaux aux franches allures de KKK eut lieu tout d’abord le samedi 13 mai 2017 :

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Trois mois plus tard, Spencer coorganisa la grande manifestation « Unite de Right » à Charlottesville, dont les images choquèrent le monde entier, surtout que l’un des racistes fonça sur la foule avec son véhicule, tuant une jeune femme et blessant une vingtaine d’autres contre-manifestants…

Éternel provocateur, le gosse de riche revint il y a peu de temps à Charlottesville, au début d’octobre, où il mena une autre marche au flambeau :

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Jouer la carte de la liberté d’expression alors qu’il s’agit de discours haineux

Depuis les événements de Charlottesville, les universités hésitent plus que jamais à louer des salles de conférences à cet hurluberlu prêchant la haine.

Il plaide pour le retour des femmes au foyer, met en doute le bien-fondé de leur droit de vote, souhaite l’avènement d’un État-blanc en Amérique du Nord, un peu comme l’État d’Israël, mais sans les Juifs qu’il pourfend. Il se demande même si les Juifs sont des « personnes », ce qui mettra CNN dans l’embarras :

CNN dans L'embarras
La bannière apparaissant à l’écran fut jugée scandaleuse par plusieurs, CNN dut s’excuser

Spencer se montre ouvert à la contraception, mais pour des raisons tout à fait ignobles : il croit que cela aurait pour effet de réduire la croissance des « peuples noirs et hispaniques » qui ont un taux de natalité plus élevé que les blancs…

Au moins trois universités américaines ont ainsi refusé de le recevoir dans les derniers mois, mais celui-ci contre-attaque à l’aide d’avocats en invoquant le 1er amendement, protégeant la liberté de parole. Il y a donc par exemple l’Université de Floride qui est revenue sur sa décision en laissant Spencer s’exprimer.

Le résultat fut assez absurde quand on y pense : le gouverneur de Floride décréta l’état d’urgence, mobilisant hélicoptères, garde nationale et camions de sable, les cours près de l’amphithéâtre furent tous annulés, la conférence comme telle fut couverte de huées, tout ça pour le bénéfice d’une vingtaine de supporters racistes venus écouter Spencer.

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Qui plus est, l’université devra débourser plus de 600 000$US en frais de sécurité et une balle fut tirée en direction des manifestants par trois suprémacistes qui se sont enfuis dans un pick-up après avoir fait des saluts hitlériens…

La bonne nouvelle fut finalement qu’un néo-nazi ayant été frappé au visage durant les manifestations s’est fait donner un câlin par un protestant lui demandant : « Pourquoi me détestes-tu? ». Le nazi a figé.

 

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En conclusion, l’on pourrait être tenté de relativiser le phénomène Spencer en remarquant qu’il n’attire que quelques dizaines de partisans à ses événements (parfois jusqu’à 200). Mais l’on parle de néonazis extrêmement radicaux et décomplexés. La manifestation « Unite the Right » à Charlottesville fut un exemple éloquent de leur capacité de rassemblement.

À cela s’ajoute un président lui-même xénophobe qui ne semble pas vouloir freiner les pires dérives du mouvement alt-right. De dangereux illuminés comme Richard Spencer auront sans doute les coudées franches au cours des prochaines années.