L’Alberta annonça récemment qu’elle allait étendre ses programmes linguistiques à de nouvelles langues, telles l’arabe. De la maternelle jusqu’à la fin du secondaire, on pouvait déjà y d’apprendre le chinois (mandarin), l’allemand, l’ukrainien, le cri, la langue des Pieds-Noirs, l’italien, le japonais, le pendjabi, le latin, l’espagnol…
Mais lorsque les grands médias rapportèrent la nouvelle qu’on allait y ajouter l’arabe, cela déclencha un véritable coup de tonnerre dans la droitosphère.
Analyse d’une histoire montée en épingle (merci à Vigile RS sur la tolérance pour avoir soulevé la problématique en premier).
Le titre choisi par les médias traditionnels
À ma connaissance, le premier grand média à en parler fut Global News, dont le siège social se trouve à Toronto. L’annonce fut traitée de manière bienveillante par la journaliste Kim Smith, dont le reportage soulignait clairement que ces programmes de langue bonifiés allaient mieux desservir la communauté arabophone, auparavant laissée pour compte malgré le vaste choix de langues offert aux autres.
CTV, Radio-Canada et TVA Nouvelles ont emboîté le pas en reprenant le même titre à quelques virgules près : « Alberta schools to offer Arabic-language bilingual program in 2018 » / « Des cours d’arabe dans les écoles albertaines dès l’automne prochain ».
Comme les gens ne lisent souvent que les gros titres, il n’en fallut pas plus pour alerter les islamophobes, qui se croient envahis de toutes parts.
La réaction des lecteurs de TVA/Journal de Montréal
À la différence de Global News, nos médias francophones ont relayé le titre en le contextualisant de moins en moins. De sorte qu’il fallait lire tout l’article du Journal de Montréal jusqu’à la dernière ligne pour enfin réaliser que d’autres langues étaient offertes en plus de l’arabe, sans plus d’explications.
Comment le lectorat de Québecor a-t-il interprété la nouvelle ? Dans le Journal de Montréal, la section commentaire n’était pas disponible, mais le fil Twitter de TVA nous donne un bon aperçu de quelle fut la réception générale : je compte environ 46 commentaires exprimant l’indignation, et seulement 6 qui tentent de tempérer les autres ou de faire valoir la richesse de connaître plusieurs langues.
Quelques exemples de protestation :
La pérégrination de la nouvelle sur la droitosphère
Quand l’article de Global News est paru le 8 octobre, il n’a fallu que quelques minutes pour que la page xénophobe « Canadian Patriots » le partage. Cette page anglophone est suivie par plus de 82 800 personnes… Une heure plus tard, ce fut la page « Québécois pour Donald Trump » qui poussa les hauts cris :
Le lendemain, c’était au tour du parti Citoyens au pouvoir de juger qu’il est louche qu’on ait choisi l’arabe au lieu de « l’Espagnol ? l’Allemand ? etc. ». Puis Guy Boulianne (alias le Prince fou) créa un autre boom à partir de la page du Mouvement républicain du Québec. Des gens appelèrent à la révolte :
Glissant dans la fachosphère, les articles furent partagés par « Pegida Québec », « Québécois debout contre l’islam radical », ainsi que « Non à la Québécophobie et au racisme envers les Québécois » (NAQAREQ), etc.
Conclusion
Nos grands médias devraient être plus sensibles au fait qu’il y a une réelle islamophobie galopante au pays. Lorsqu’on titre qu’un programme bilingue d’arabe sera offert en Alberta, sans spécifier que dix autres langues étaient également offertes, alors on génère inutilement de la polémique.
A-t-on parlé de germanisation ou de pendjabisation du pays lorsque les premiers programmes bilingues sont apparus ?
Cette étude de l’arabe (optionnelle) ne passerait même pas avant le français, car ce dernier bénéficie d’un statut privilégié et de cours d’immersion pouvant dépasser les 50% du temps passé en classe.
De plus, ce n’est pas parce qu’un.e élève apprend l’arabe qu’elle « s’islamise » et les musulmans eux-mêmes ne sont pas des « islamistes ».