**Je republie ici ce billet que j’avais écrit en juillet 2017 sur Facebook (il avait été censuré).

Le 2 juillet dernier, une vidéaste amatrice a semé l’émoi sur les réseaux sociaux en publiant les images de musulmans en train de prier dans le Parc Safari. Elle se disait «choquée» par le son des haut-parleurs qui envahissait l’espace public : «on est trop conciliants!».

Recevant plaintes et commentaires haineux, le Parc Safari a émis un communiqué rectifiant les faits : le groupe avait réservé un espace de pique-nique privé, aucun chemin ne traversait les lieux, et leur système de son devait respecter un certain volume, « tous les normes et règlements ont été respectés» (4 juillet).

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Un second souffle signé Benhabib

L’histoire, somme toute banale, allait être oubliée, jusqu’à ce que Djemila Benhabib vienne jouer les incendiaires. Se posant en experte, elle a rédigé deux billets Facebook affirmant qu’il s’agissait de pure «provocation» de la part d’islamistes qui ne cherchent qu’à alimenter des conflits.

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D’après cette ardente figure de proue de la laïcité, l’attroupement ne visait rien de moins qu’à «provoquer des affrontements entre Québécois et islamistes pour justifier la fumisterie du racisme systémique». Autrement dit, l’événement aurait été orchestré dans le seul but de susciter l’indignation des Québécois, pour ensuite jouer les victimes devant les grands médias. C’est ainsi que la notion de «racisme systémique» serait une construction mentale machiavéliquement moussée par de malins islamistes.

Mme Benhabib ajoute au passage que ceux-ci auraient d’ailleurs des «soutiens politiques (Parti libéral, NPD)» au pays, c’est-à-dire probablement des partis islamo-gauchistes si l’on suit son vocabulaire habituel…

La stratégie de Benhabib fut d’abord de diaboliser le groupe – vaguement lié aux Frères musulmans – les taxant d’ «islamistes», puis d’«organisation classée comme terroriste dans plusieurs pays et qui opère, ici, sur plusieurs niveaux». Non seulement elle ne fait pas la démonstration de leur soi-disant radicalité, mais elle les associe même vicieusement aux mouvances terroristes.

En dernière analyse, elle prétend que leur sortie avait pour but d’islamiser notre espace public – dans un dessein totalitaire –, tout en provoquant les visiteurs qui seraient inéluctablement traités de racistes par les «idiots utiles» que sont les gauchistes «zinclusifs».

Les doctes raisonnements de Mme Benhabib ont été accueillis à bras ouverts par des milliers d’islamophobes qui se partagèrent ses billets en chaque point de la fachosphère. Elle confirmait leurs thèses les plus paranoïaques : nous avions mille fois raison de nous indignés, voilà une bande de proto-terroristes qu’il faudrait bannir de l’espace public!

Voir ce commentaire éloquent (parmi tant d’autres) sous sa publication:

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Réfutation

L’interprétation de Mme Benhabib ne tient toutefois pas la route. Sans la fameuse vidéo, personne n’aurait ouï-dire de cet événement privé.

(1) Leur espace était privé et ce n’est qu’en empruntant une route contiguë que la vidéaste a pu entendre la prière.

(2) La sortie du groupe se faisait dans le sillage de l’Aïd el-Fitr (fin du ramadan), qui s’avère une fête de première importance pour les musulmans. On prévoyait toutes sortes d’activités festives, dont des jeux aquatiques et une célébration du 150e du Canada.

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(3) La prière n’occupait qu’un rôle secondaire dans cet événement. À tel point que le directeur du Centre me confirme qu’ils n’ont exécuté qu’une prière au lieu des deux normalement obligatoires, afin de ne pas entraver leurs activités de la journée! La vidéaste amatrice est donc tombée sur la seule prière (qui en condensait deux) et elle n’a duré que quelques minutes.

Tout cela réfute aisément la thèse de Benhabib selon laquelle on aurait tenté de «provoquer» un débat public. Il suffit de survoler les activités au programme pour se convaincre qu’on ne s’est nullement rendu au Parc pour déranger. En fait, les organisateurs se seraient très bien passé de cette polémique blessante, qui fut gonflée artificiellement par des militants.es xénophobes.

(cette histoire montée en épingle pourrait être vue comme un prélude à la « fake news » du Chantiergate, 5 mois plus tard).

 

Une polémique éperonnée par des xénophobes

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Comme le remarque un article du 5 juillet, la vidéo fut «initialement versée sur Youtube par l’utilisatrice Guindon87». Selon un autre article, il s’agirait d’une raciste notoire, Louise Duval, qui fut à la tête de la triste et intolérante page «Coalition Anti djihadistes» et «AntidjihadQuébec» . Cette dame est réputée pour son acharnement anti-islam sur les réseaux sociaux.

On pourrait aussi souligner que la première à porter plainte formellement au Parc Safari s’est révélé être une enseignante de français qui aurait fait scandale en septembre dernier, alors qu’elle avait pénalisé volontairement des élèves de confession musulmane.

Selon ses propres captures d’écran, elle aurait imposé un travail à ses élèves tout en sachant pertinemment que les absents fêtaient ce jour-là l’«eïd el kbir». L’enseignante s’en vanta même sur Facebook, rappelant ce qu’elle avait répondu à leurs camarades qui s’inquiétaient de la situation :

«Ouais pis ?! Ce n’est pas une journée fériée au Québec. Il y a de l’école, c’est à eux à être présents. Ce n’est pas mon problème et ce n’est ni le tien. Non, mais, un chausson avec ça?».

Suite à la controverse, la direction de l’établissement l’a muté dans une école moins «multiculturelle».

Bref, pour ces islamophobes, c’est l’existence même des musulmans.es qui leur pose problème. Ils ne seront jamais suffisamment discrets à leur goût.

Comment régler ce conflit autrement que par l’éducation et l’ouverture à la réalité d’autrui?

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